Mélenchon extrapole des emplois

Le 17 avril 2012

Jean-Luc Mélenchon s'attaque à la défiscalisation des heures supplémentaires mises en place par Nicolas Sarkozy. Avec des calculs ambigus, comme le démontrent les journalistes de données d'OWNI. Au classement OWNI-i>Télé de crédibilité des six principaux candidats à la présidentielle, Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy tiennent la dernière place, dans une stricte égalité.

L’égalité est visuellement parfaite dans les dernières places du classement quotidien du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude des déclarations chiffrées ou chiffrables des six principaux candidats à la présidentielle. Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy affichent 44,4 % de crédibilité. François Bayrou n’est pas loin de les rejoindre, avec 44,8 %, tandis que Jean-Luc Mélenchon se maintient à 63,3 %, devant Eva Joly (60,6 %) et François Hollande (54,3 %).

Durant ces dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 49 citations chiffrées des candidats à l’élection présidentielle1. Résumé des quelques faits qui ont retenu notre attention.

Jean-Luc Mélenchon prend des heures pour des emplois

Lors de son discours de Lille le 27 mars dernier, Jean-Luc Mélenchon avait chiffré les conséquences d’une des lois phares du quinquennat de Nicolas Sarkozy : la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (Tepa), sur la défiscalisation des heures supplémentaires.

400 000 emplois, voilà ce qu’ils vous ont pris en allégeant le prix des heures supplémentaires et en les défiscalisant.

Aucun document officiel ne chiffre la perte d’emplois liée à la désfiscalisation des heures supplémentaires.
Les conséquences sur l’emploi sont même très partagées : le rapport au Sénat sur l’économie française et les finances publiques à l’horizon 2013 estime ainsi que “l’impact sur l’emploi de la loi Tepa est ambigu, car il est la somme de deux effets” ; l’un positif sur l’emploi (baisse marginale du coût du travail), l’autre négatif (incitation à allonger la durée du travail).
Le seul chiffrage qui permette de comprendre d’où vient peut-être le raisonnement de Jean-Luc Mélenchon est celui tenu par Arnaud Montebourg sur Europe 1 en février 2012 : “En 2008, il y a eu 727 millions d’heures supplémentaires, c’est l’équivalent de 466 000 emplois équivalents temps-plein.”.

En 2011 le nombre d’heures supplémentaires s’est établi à 735 millions, soit l’équivalent de 457 373 emplois2. Quand bien même on prendrait en compte ce mode de calcul, Jean-Luc Mélenchon se tromperait de 12,5 %. Mais surtout, avec cette formulation “voilà ce qu’ils vous ont pris, le candidat du Front de gauche établit une équivalence directe entre heures supplémentaires et création d’emplois, ce qui n’est pas n’a jamais été confirmé par les comptes officiels.

Nicolas Sarkozy s’envole sur le photovoltaïque

Dans notre chronique quotidienne du Véritomètre du 16 avril, nous vous expliquions comment Nicolas Sarkozy évaluait le chantier de l’éolien en France : en prenant une donnée correspondant à l’investissement de l’ensemble des pays européens pour celui de la France. L’éolien n’est pas la seule énergie renouvelable sur laquelle le président-candidat brasse de l’air. Sur le photovoltaïque, ses données sont également très étonnantes (et incorrectes).

Lors de sa conférence de presse de présentation de programme, le 5 avril dernier, il exprimait ainsi :

Depuis que je suis Président de la République, les énergies renouvelables ont été multipliées (…) par 5 pour le photovoltaïque.

Il n’existe pas une mais plusieurs façons de comptabiliser ce que le président-candidat nomme “le photovoltaïque” : le nombre d’installations de panneaux, la puissance du parc photovoltaïque français ou encore sa production électrique. Consciencieusement, nous avons donc vérifié ces trois pistes. Et aucune ne s’est révélée ne serait-ce qu’approchante de l’estimation fournie par Nicolas Sarkozy.

Ainsi, le nombre d’installations photovoltaïques est passé, d’après le tableau de bord éolien-photovoltaïque du ministère du développement durable, de 24 583 en 2008 (aucune donnée plus ancienne) à 242 295 fin 2011, soit une multiplication par 9,86.

Si l’on considère la puissance du parc photovoltaïque français, celle-ci a été multipliée par 40, en passant de 70 MW en 2007 à 2 802 MW fin 2011, selon les données du Syndicat des énergies renouvelables et du tableau de bord éolien-photovoltaïque pour le quatrième trimestre 2011.

Enfin, d’après les données du ministère de l’écologie et du développement durable, la production d’électricité d’origine photovoltaïque est passée de 0,039 TWh en 2007 à 0,57 TWh en 2010 (dernières données disponibles), soit une multiplication par 14,6. Quelle que soit la donnée retenue, les propos de Nicolas Sarkozy sont donc nettement incorrects.

Marine Le Pen prolonge Nicolas Sarkozy

La candidate du Front national faisait partie des invités de la première soirée Des paroles et des actes sur France 2 le 11 avril dernier. Elle s’est livrée à un chiffrage de la carrière politique de son adversaire UMP :

Ça fait 10 ans qu’il [Nicolas Sarkozy] est en charge de l’immigration.

Dans sa volonté de démonter le bilan de Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen lui a rajouté des années d’exercice. En effet, le site Internet du ministère de l’Intérieur indique que Nicolas Sarkozy a occupé le poste de ministre de l’Intérieur à deux reprises, entre mai 2002 et mars 2004 puis entre juin 2005 et mars 2007, soit sur un total de 3 ans et demi. Par ailleurs, Nicolas Sarkozy a été élu à la Présidence de la République le 6 mai 2007, comme le confirme le site de l’Élysée. Au total, Nicolas Sarkozy a donc été “en charge de l’immigration” sur une durée de 8 ans et 7 mois. Et non pendant dix ans.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
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Illustrations par l’équipe design d’Owni /-)

  1. L’équipe du Véritomètre a fixé des seuils de tolérance pour l’évaluation des chiffres des candidats : si la marge d’erreur entre le chiffre évoqué par le candidat et la donnée officielle disponible est comprise entre 0 et 5 %, nous considérons la citation comme “correcte” ; si la marge est entre 5 et 10 % on la qualifiera d’”imprécise”, enfin si la marge est de plus de 10% nous l’évaluerons comme “incorrecte” []
  2. l’Insee fixant la durée légale annuelle du travail à 1607 heures []

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