Bayrou désindustrialise à tout-va

Le 13 avril 2012

À l'occasion des grandes interviews présidentielles organisées par France 2 dans l'émission "Des paroles et des actes", les 11 et 12 avril, les journalistes de données d'OWNI se mobilisent. Et vous livrent un résumé du grand oral des six principaux prétendants, à retrouver sur Le Véritomètre. Morceaux choisis du passage de François Bayrou.

Il en a fait le mot d’ordre de sa campagne, comme de son dernier grand rendez-vous télévisé. Dans l’émission Des paroles et des actes diffusée hier soir sur France 2, François Bayrou a une nouvelle fois brandi le slogan “produire en France”, à grand renfort d’arguments chiffrés. Et tous inexacts.

Rien de tel qu’une comparaison internationale pour convaincre du déclin de l’appareil industriel français. Habitué à l’Allemagne et à la Corée du Sud, le candidat du Mouvement Démocrate (MoDem) a cette fois-ci pris exemple sur l’Italie :

Nous avons 100 000 emplois à peine dans le textile. L’Italie en a 500 000.

En fait, le rapport entre le nombre d’emplois dans le textile en France et en Italie est de un à deux, plutôt que de un à cinq.

En 2009, comme le rapporte l’Observatoire des métiers de la mode, des textiles et des cuirs, 75 523 personnes étaient employées dans l’industrie textile française. Un chiffre à comparer aux 157 000 emplois en 2009 dans le même secteur en Italie, selon les données de l’Institut français de la mode.

S’il avait évoqué une tendance longue de désindustrialisation en France, François Bayrou aurait néanmoins été dans le juste. Car entre 2001 et 2010, le nombre d’emplois dans la branche textile a diminué de 46,1 % en France :

Nombre de salariés dans l'industrie textile en France

Perdu en forêt

Le textile n’est pas le seul secteur où la compétitivité de la France fait défaut, d’après le candidat MoDem. Exemple, assez original pour cette campagne présidentielle, sur la filière du bois :

Dans la filière bois, nous avons une forêt beaucoup plus grande que la forêt allemande, et beaucoup moins d’emplois que les Allemands : y’a 500 000 emplois qui manquent.

En parlant d’une “forêt beaucoup plus grande”, François Bayrou limite les dégâts et tient, de fait, des propos corrects. Car, dans un discours à Besançon, le 27 mars dernier, il annonçait une différence de superficie des forêts française et allemande de l’ordre de “20 %”, sous-estimant donc de 34,6 % l’étendue de la première.

Il en va différemment du nombre d’emplois dans la “filière bois”, c’est-à-dire dans les secteurs de la sylviculture et de la transformation du bois, dont la différence en Allemagne et en France s’affiche bien au-delà de 500 000.

Selon les données du ministère fédéral allemand de l’alimentation, de l’agriculture et de la protection des consommateurs, 1,2 million de personnes étaient employées dans cette filière en 2010.

Pour la France, les données officielles sont largement contradictoires, mais elles invalident dans tous les cas les propos de François Bayrou. Ainsi, selon la dernière étude intitulée “Le bois en chiffres” et publiée en 2008 par le ministère de l’Économie, les effectifs employés de la filière étaient 184 395 en 2007. Si l’on se base donc sur ces chiffres, la différence entre les effectifs employés dans la filière du bois en Allemagne et en France s’élève plutôt à 1,015 million qu’à “500 000”.

Autre donnée, issue cette fois du Comité national pour le développement du bois, un organisme soutenu par le ministère de l’Agriculture : 173 000 emplois existeraient dans la filière bois en France. Sans que l’on sache de quelle année date ce chiffrage.

Même imprécision, enfin, dans le rapport sur la mise en valeur de la forêt française et le développement de la filière bois publié en avril 2009, qui évaluait à 450 000 le nombre d’emplois dans la filière bois, sans préciser une seule méthode de comptage ni une seule source à l’origine de ces données.

Les approximations de François Bayrou auront au moins eu le mérite de mettre en lumière l’usine à gaz que constituent les données publiques sur la filière française du bois.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
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