Êtes-vous multitâches ? Si oui, attention !
Le professeur Clifford Nass du département de psychologie de l’Université de Stanford et son équipe ont démontré que les gens qui utilisent plusieurs nouveaux médias en même temps sont susceptibles de développer des problèmes cognitifs ...
(Extrait de mon prochain livre «Tendances – Savoir les décrypter pour en tirer profit», © Pierre Fraser, 2010)
Le professeur Clifford Nass du département de psychologie de l’Université de Stanford et son équipe ont démontré que les gens qui utilisent plusieurs nouveaux médias en même temps sont susceptibles de développer des problèmes cognitifs.
Les gens qui sont régulièrement bombardés par différents flux d’informations électroniques, courriels, Twitter, Facebook, téléphone, et bien d’autres encore, développent des problèmes d’attention, de contrôle de la mémoire, et ont tendance à changer plus fréquemment d’emploi que ceux qui prennent le temps de compléter un travail et d’effectuer une tâche à la fois.
Ces gens deviennent des « multitâches ». Si vous les observez, ils peuvent être en mesure de gérer plusieurs courriels, de « texter » sur leur téléphone portable, tout en regardant la télévision ou en visionnant une vidéo sur YouTube, ou en écrivant un message sur Twitter, et ce, en même temps. Souvenez-vous de Claude Forest et de son expérience lors d’une conférence.
Après avoir soumis plus de cent étudiants à une série de trois tests, les chercheurs ont réalisé que les « multitâches » paient un lourd tribut sur le plan cognitif : « Ils deviennent des champions de la non pertinence et tout les distrait », affirme le professeur Clifford Nass, l’un des coauteurs de l’étude parue en août 2009 dans la 24e édition des Proceedings of the National Academy of Sciences.
Les chercheurs en sociologie ont depuis longtemps démontré qu’il est impossible de traiter adéquatement plus qu’une chaîne d’informations à la fois, pour la simple raison que le cerveau ne peut le faire. En fait, les gens qui sont « multitâches » pensent qu’ils ont un contrôle total sur leur processus cognitif, leur mémoire et sur le tri des informations qui arrivent de toutes parts.
Les collègues de Clifford Nass, Yyal Ophir et Anthony Wagner ont en vain cherché à comprendre quel pourrait être l’avantage sur le plan cognitif d’être multitâche. « Nous avons tenté d’identifier là où ils étaient le plus performant, et nous n’avons rien trouvé » affirme le docteur Ophir chercheur au Stanford’s Communication Between Humans and Interactive Media Lab.
Lors de l’étude, les scientifiques ont divisé les gens en deux groupes : ceux qui font régulièrement du multitâche, et ceux qui n’en font pas. Lors de l’une des expériences, on a montré aux deux groupes un jeu de deux rectangles rouges, ou bien deux, quatre ou six rectangles bleus. Chaque jeu de rectangles était présenté rapidement à deux reprises, et les participants devaient déterminer lequel des deux rectangles rouges avait été déplacé dans la seconde séquence par rapport à la première. De plus, on avait donné aux deux groupes la consigne d’ignorer les rectangles bleus.
Lors de ce test, les multitâches ont lamentablement échoué, car ils étaient constamment distraits par les rectangles bleus, alors que les non multitâches ont très bien réussi.
Parce que les multitâches ont démontré qu’ils ne pouvaient ignorer les détails, les chercheurs ont pensé qu’ils possédaient un meilleur sens de l’organisation et une meilleure mémoire. Le second test démontra que cette hypothèse était fausse. Après leur avoir montré des séquences de lettres, les multitâches ont échoué une fois de plus à identifier les lettres qui revenaient le plus souvent.
« Les non multitâches ont très bien réussi, alors que les résultats des multitâches empiraient, car ceux-ci retenaient plus de lettres et avaient de la difficulté à les trier » mentionne le docteur Ophir.
Après le deuxième test, les chercheurs ont émis une autre hypothèse : si les multitâches ne peuvent filtrer l’information pertinente, l’organiser et la structurer dans leur mémoire, c’est peut-être parce qu’ils excellent à passer plus rapidement et efficacement d’une tâche à l’autre que les gens qui sont non multitâches.
Le troisième test a battu en brèche cette hypothèse. On présenta simultanément des lettres et des nombres tout en leur donnant la consigne de porter l’attention sur un aspect spécifique. Dans un premier temps, ils devaient déterminer si les nombres étaient pairs ou impairs. Dans un deuxième temps, ils devaient dire si les lettres étaient des voyelles ou des consonnes. Une fois de plus, les multitâches ont échoué à ce test.
« Les multitâches sont toujours en train de fuir l’information qui devrait normalement retenir leur attention. Ils ne peuvent faire la séparation des choses dans leur esprit » mentionne le docteur Ophir.
Les chercheurs poursuivent leur étude afin de déterminer si les multitâches chroniques sont nés avec une incapacité à se concentrer, ou bien s’il s’agit de la résultante de l’utilisation prolongée des nouveaux médias qui les amène à faire plusieurs choses en même temps.
« Quand ils sont dans des situations où leur sont présentées différentes sources d’informations en provenance du monde extérieur, ou qui émergent de leur mémoire, ils sont incapables de filtrer ce qui est non pertinent. Cette incapacité à filtrer l’information signifie qu’ils sont surchargés d’informations non pertinentes » conclut Anthony Wagner.
Il semblerait donc, selon cette étude, qu’en faisant moins de choses en même temps, on puisse accomplir plus de choses. Par contre, il faut admettre que tous les gadgets électroniques et nouveaux médias auxquels nous pouvons avoir accès incitent fortement à devenir multitâches. Avez-vous assisté dernièrement à un séminaire ou une conférence ? Les gens ont avec eux leur ordinateur portable, leur iPhone ou leur Blackberry. Ils écoutent le conférencier, prennent des notes sur leur ordinateur tout en ayant le courrier électronique, Twitter et Facebook ouverts. Parlez-en à mon ami Claude Forest !
Le comportement du multitâche est tout à faite en accord avec la Théorie des tendances et l’egocasting. Étant donné que, comme jamais auparavant, nous nous sommes collectivement dotés d’outils de communication et de production de contenus alliant performance, maîtrise, et vitesse, nous avons pensé que notre cerveau était en mesure de réaliser les mêmes exploits. Malheureusement, notre cerveau s’ingénie à nous tromper allègrement. Pour en savoir plus sur ces errances que commet notre cerveau, consultez ici l’annexe de mon livre intitulé «Théorie des tendances – Savoir les décrypter pour en tirer profit».
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» Article initialement publié (et commenté) sur Théorie des tendances
» Illustration de page d’accueil par Daquella manera sur Flickr
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