OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La lutte irrationnelle contre la délinquance http://owni.fr/2011/12/29/la-lutte-irrationnelle-contre-la-delinquance/ http://owni.fr/2011/12/29/la-lutte-irrationnelle-contre-la-delinquance/#comments Thu, 29 Dec 2011 15:10:41 +0000 Denis Colombi (Une heure de peine) http://owni.fr/?p=91898

Comme on ne change pas une recette qui marche, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant refait le coup du mélange “insécurité” et “identité nationale”, à quelques mois de la présidentielle. Sur son blog, l’économiste Olivier Bouba-Olga se demande pourquoi s’en prendre spécifiquement à la délinquance étrangère alors que la délinquance bien de chez nous est proportionnellement plus forte.

On peut en dire plus encore. En fait, même si les étrangers avaient effectivement plus de chances d’être délinquants que les nationaux, des mesures spécifiques les visant seraient non seulement inefficaces mais en plus nuisibles.

À la recherche de la nationalité de la délinquance

On pourrait cependant dire qu’il faut tenir compte que les deux populations ne sont pas également nombreuses et se demander si l’on a plus de chances de devenir délinquant lorsque l’on est étranger que l’on est français. Mais là encore ce serait insuffisant : en effet, il est possible que le groupe des étrangers soit plus souvent délinquant non pas du fait de la caractéristique “étranger” mais d’autres caractéristiques comme la richesse économique, le lieu d’habitation, le niveau de diplôme, etc. Il faudrait alors mener un raisonnement toutes choses égales par ailleurs pour vérifier si, effectivement, le fait d’être étranger a un effet propre, indépendant des autres variables, sur la délinquance des individus. Et encore : il faudrait se poser la question du recueil des données, dans la mesure où il n’est pas impossible que l’activité de la police soit plus forte sur le groupe des étrangers que sur celui des français…

Comme je n’ai pas de données suffisantes sous la main pour se faire (mais n’hésitez pas à m’indiquer des sources qui auraient fait ce travail), je vais adopter un raisonnement différent.

Sur quoi se basent les mesures proposées par Claude Guéant, comme d’ailleurs une partie importante des politiques en matière de sécurité menées dans ce pays depuis à peu près 1997 ? Il s’agit de renforcer les peines appliquée aux délinquants étrangers : on ajoute à la condamnation pénale une interdiction de séjour sur le territoire et on affirme que ça n’a rien à voir avec la double peine que le président de la République avait eu à cœur de supprimer. Autrement dit, on suppose implicitement que la délinquance peut s’expliquer sur la base d’un calcul rationnel : l’individu compare les gains de l’activité illégale et ses coûts, le tout avec les probabilités de réussir ou d’être condamné, et si le résultat est positif et supérieur aux gains d’une activité légale, il enfreint la loi, sinon il reste dans les clous. La théorie du choix rationnel : voilà le petit nom de ce type de raisonnement dans nos contrées sociologiques.

A partir de là, si l’on augmente les coûts de la délinquance par des peines plus fortes, on doit obtenir une réduction des activités illégales. Et la suite du raisonnement toujours implicitement mené par notre sémillant ministre se fait ainsi : s’il y a un groupe dans la population qui est plus délinquant que les autres, on peut modifier son calcul en lui appliquant des peines plus lourdes et une surveillance plus forte, ce qui est rationnel et économise des moyens. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Plutôt que d’essayer de montrer que le paradigme adopté est faux, restons dedans et poussons juste le raisonnement plus loin que cela n’a été fait en haut lieu. Considérons donc une situation où l’on a deux groupes, dont l’un – minoritaire – est plus fortement délinquants que l’autre – majoritaire. Supposons que l’on décide de contrôler et de punir plus fortement le groupe le plus délinquant en mobilisant les moyens de police et de justice plus fortement sur celui-ci. Que va-t-il se passer ? Va-t-on assister à une réduction globale de la délinquance ? La réponse est : non. Il est plus probable que l’on obtienne une hausse globale de celle-ci. Pourquoi ? Pour deux raisons.

Élasticité de la délinquance

Premièrement, si la délinquance découle effectivement d’un calcul rationnel, comme le suggère l’idée récurrente qu’en alourdissant les peines on va la décourager, alors il faut prendre cela au sérieux. Pour choisir d’entrer ou non dans la délinquance, un individu regarde certes les gains et les coûts de cette activité, mais il les compare avec les gains et les coûts des activités légales. Or il est fort possible que le groupe le plus délinquant soit dans cette situation précisément parce que les activités légales auxquelles il peut prétendre ne sont pas assez intéressantes. Cela peut être dû à des phénomènes de discriminations, des difficultés d’accès à l’emploi légal ou à des emplois suffisamment rémunérateurs. Par conséquent, la sensibilité de ce groupe aux coûts de la délinquance va être plus faible : une augmentation de 10% de ces coûts va provoquer une diminution de la délinquance inférieure à 10% – c’est ce que l’on appelle une élasticité. Il est possible que cette élasticité soit proche de zéro – une augmentation des coûts de la délinquance n’a aucun effet ou un effet négligeable sur la délinquance – voire soit positive : dans ce cas-là, une augmentation des coûts de délinquance parce qu’il stigmatise un peu plus le groupe en question, et renforcerait les discriminations ou les difficultés d’accès à l’emploi, entraînerait une augmentation de la délinquance…

Parallèlement, il est possible que dans l’autre groupe l’élasticité soit inférieure à -1. Dans ce cas, une augmentation de 10% des coûts de la délinquance entraîne une baisse de celle-ci supérieure à 10%. Il est donc rationnel de concentrer là les efforts car ils sont plus efficaces. Évidemment, cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire pour le groupe minoritaire : simplement que les actions à suivre devraient emprunter d’autres voies que l’alourdissement de la surveillance et des peines, par exemple par l’amélioration de l’accès à l’emploi. Une fois de plus, c’est ce à quoi mènent les outils intellectuels implicitement utilisées par le gouvernement.

Deuxièmement – car il y a un deuxièmement – si on tient compte du fait que les moyens de police et de justice sont limités – et quand on nous parle sans cesse d’austérité, on peut supposer qu’ils le sont -, se concentrer sur le groupe minoritaire revient à diminuer les risques et donc les coûts de la délinquance dans le groupe majoritaire. Or on vient de voir que celui-ci était probablement très sensible à ce coût. On risque donc de provoquer une augmentation de la délinquance dans le groupe majoritaire.

Une absurdité exemplaire

Pour le comprendre, prenons un exemple simple. Supposons que, considérant que les femmes conduisent globalement mieux que les hommes, on décide de ne plus effectuer de contrôles routiers que sur ces derniers. Peut-être obtiendra-t-on une baisse des infractions routières chez les hommes, si ceux-ci n’ont pas une élasticité trop faible, liée par exemple au fait que leur virilité est mise en cause s’ils roulent au pas… Mais on a toutes les chances d’encourager les femmes susceptibles de commettre des infractions d’en commettre encore plus. Au final, il est fort probable que la délinquance routière chez les femmes augmente – “vas-y chérie, c’est toi qui conduit… Oui, tu as bu trois fois plus que moi, mais au moins, on se fera pas emmerder” – et compense voire dépasse la baisse du côté des hommes… Il n’en va pas autrement dans le cas des Français et des étrangers.

Résumons : faible – voire absence de – baisse de la délinquance dans le groupe minoritaire, augmentation de la délinquance dans le groupe majoritaire… Au final, au niveau global, une augmentation de la délinquance. Comme je le disais plus haut, les conséquences d’une telle politique ne se mesurent pas seulement en termes d’inefficacité, mais aussi d’effets pervers, d’aggravation, autrement dit, de la situation de départ. Et cela, je le répète pour que les choses soient parfaitement claires, en suivant un raisonnement dans la droite ligne de celui tenu par le ministre et le gouvernement.

Cela ne veut évidemment pas dire qu’il ne faut rien faire – je connais les trolls sur ces débats et je sais qu’il y a de fortes chances pour que l’un d’eux m’apostrophe avec des “bien-pensance” et autre “angélisme” qui ne tiennent lieu d’arguments que lorsque l’on est dans les commentaires du Figaro ou du Monde… Mais ce que montre ce raisonnement, c’est qu’il ne faut pas segmenter la justice ou l’action de la police. L’égalité de tous face à la loi n’est pas seulement une exigence éthique : c’est aussi une condition de son efficacité.

Edit : Pour une analyse plus large des politiques visant les étrangers :
Lorsque l’éthique de responsabilité devient une doctrine et L’entêtement thérapeutique comme nouvelle éthique politique


Article initialement publié sur Une heure de peine sous le titre Des effets pervers dans la lutte aveugle contre la délinquance

Illustrations Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification UMP Photos Paternité Francois Schnell et PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales mafate69

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La France a mal à sa liberté d’expression http://owni.fr/2010/03/25/la-france-a-mal-a-sa-liberte-d%e2%80%99expression/ http://owni.fr/2010/03/25/la-france-a-mal-a-sa-liberte-d%e2%80%99expression/#comments Thu, 25 Mar 2010 15:34:21 +0000 Ulrich http://owni.fr/?p=10887 3111207407_d7b10c180a_o

Depuis plusieurs mois, je constate qu’un thème revient plusieurs fois sur le devant de la scène, en France: celui de la liberté d’expression.

J’observe, du haut de ma chaire d’expatrié volontaire, que ce débat n’est qu’un des nombreux symptômes d’une France et de ses habitants en proie à un affreux doute.

Le débat sur l’identité nationale en est une des manifestations, ses abstentions records à chaque élection un autre et ce vieux serpent de mère qu’est la liberté d’expression alimente régulièrement ce vieux fond de pot. Les français ont aussi cette incroyable faculté à cristalliser leurs passions sur des détails et à s’enflammer dès que l’un d’entre nous se mouche de travers.

L’affaire Frêche en est un exemple et le futur possible limogeage de Zemmour/Guillon, un autre. J’ai constaté aussi, qu’en France, on aime beaucoup juger les gens à l’aune des petites phrases sorties de leurs contextes. Est-ce un vieux réflexe hérité de la Révolution Française, lorsque le jury populaire fut institué ?

En tout cas, une chose est certaine, celui sur la liberté d’expression est un débat qui remonte aux calendes grecques, depuis le jour où deux pays, en très peu de temps, l’inscrivirent l’une dans sa constitution et en fit son premier amendement et l’autre dans une charte des droits de l’homme.

De part et d’autres de l’Atlantique, deux pays se firent le garant de la liberté d’expression et s’inscrivent historiquement, avec tout le poids de la légitimité, dans un débat continuel. Cependant, le concept de la liberté d’expression ne prit pas le même chemin en France et aux Etats-Unis. Deux tendances se sont toujours affrontées et si aux Etats-Unis, l’une s’inscrivit durablement, ce fut en France une toute autre affaire.

Deux conceptions différentes

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Nul besoin de répéter que la liberté d’expression est un de nos droits fondamentaux. Dans nos pays occidentaux, ce droit n’est guère remis en cause, il s’est inscrit dans notre ADN. Mais est-ce un droit absolu ? Poser ainsi le débat sur la liberté d’expression prend un tout autre sens.

Pour la défense de ce droit, deux camps se sont toujours opposés. Et il faut remonter à la Révolution Française pour en connaître l’origine. Les français ne se doutent pas (du moins, plus) que la rédaction de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen fut l’objet d’âpres débats au sein de la Constituante.

Ce fut le premier travail de l’Assemblée Nationale. Les travaux commencèrent le 09 juillet 1789, le texte fut voté le 26 août mais ne fut ratifié que le 5 octobre par Louis XVI sous la pression populaire et entra en vigueur que le 3 novembre. L’un des débats les plus soutenus fut celui autour de la liberté d’expression.

D’un côté, Emmanuel-Joseph Sieyès, que les français ont certainement oublié, mais qui est l’une des figures marquantes de la Révolution Française, puisqu’il écrivit le texte fondateur « Qu’est-ce-que le Tiers Etat ? » et fut le rédacteur du serment du Jeu de Paume ; de l’autre, Marat et Robespierre qu’on ne présente plus.

Sieyès voulait que la liberté d’expression soit limitée et encadrée par la Loi ; Marat et Robespierre estimaient, au contraire, qu’elle devait être indéfinie et illimitée, rejoignant ainsi le combat de Voltaire. La motion supportée par les partisans de Sieyès l’emporta et s’inscrivit dans l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen :

La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi.

En clair, ma liberté d’expression s’arrête là où commence celle des autres.

Contrairement, aux Etats-Unis, où l’on conçoit facilement qu’on puisse laisser le Klux Klux Khan avoir pignon sur rue et en même temps, mettre le combat pour les Droits Civiques au cœur des préoccupations citoyennes, on constate que les américains sont farouchement attachés à cette liberté qui est pour eux le dernier rempart contre toutes formes de tyrannie. Dans sa préface à l’essai de Noam Chomski,  De la guerre comme politique étrangère des Etats-Unis, Jean Bricmont expliquait parfaitement cette différence entre la position Sieyès et celle américaine, soutenue par le même Chomski.

En France, cette liberté d’expression (« ce pragmatisme libertaire et économique ») a du mal à trouver un écho. Il y a même une certaine hostilité à imaginer que l’on puisse dire tout et son contraire.

Les crispations françaises

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Qu’en 2010, on puisse encore lire dans la presse, sur Internet que la liberté d’expression est en danger, démontre bien que les français ne sont pas fondamentalement à l’aise avec cette liberté d’expression, telle qu’elle a été définie depuis plus de 200 ans. Elle se manifeste par une crispation permanente des acteurs et des citoyens sur le sujet, à chaque fois qu’une personnalité est supposée avoir dit quelque chose qui heurte une sensibilité.

Malheureusement, là où Sieyès s’est quelque peu fourvoyé, c’est la propension des français à se confronter, violemment ou pas, sur tout et n’importe quoi et à donner une valeur morale à la liberté d’expression. Cette notion du bien et du mal pourrit le débat en France. A ce jeu pervers des petites phrases, brandir d’un côté la liberté d’expression et de l’autre, le Droit, permet d’évacuer à grands seaux d’eau le débat d’idées. Cette morale à la française leur interdit de concevoir le débat et l’échange des idées, dans un cadre serein.

Oui, Guillon et Zemmour ont le droit de dire ce qu’ils ont dit. Quels contre-arguments peut-on leur opposer sans que ça ne devienne une foire d’empoignes et sans que le poulailler des bien-penseurs monte sur ses ergots et agite le chiffon rouge de la Loi ?

Oui, Frêche a le droit de dire ce qu’il pense sur les Harkis, Fabius, etc. La réaction intelligente aurait été de lui opposer un débat, au lieu de crier haro sur le baudet.

Que nous soyons d’accord ou pas, nous perdons en n’écoutant pas les gens. Généralement, les tenants de la ligne Sieyès donnent rarement une réponse claire à cette question fondamentale : encadrer la liberté d’expression, interdire certains propos, soit, mais à partir de quels critères et quoi ? Quels motifs invoque-t-on ? Au regard ce qui se passe en France, ces derniers temps, ce serait la nocivité du discours et le caractère odieux des propos ? Jean Bricmont et Noam Chomski apportent des réponses des plus éclairantes à ces questions. Il est temps de les lire et les relire.

> Article initialement publié sur l’ndividu Incertain

> Illustrations par yoshiffles par Walt Jabsco et par  [nati]

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Burqa : 74% des Français approuvent les persécutions http://owni.fr/2010/01/27/burqa-74-des-francais-approuvent-les-persecutions/ http://owni.fr/2010/01/27/burqa-74-des-francais-approuvent-les-persecutions/#comments Wed, 27 Jan 2010 08:40:45 +0000 Alfred-Georges (Brave Patrie) http://owni.fr/?p=7271 Rendre la France burqafrei est une priorité gouvernementale de ce début d’année, les spécialistes ayant clairement établi que la dégradation de la situation économique du pays est à 94,7% due aux femmes à burqa. Ce pourquoi il faut absolument les persécuter, opinion à laquelle les Français semblent adhérer massivement.

Les femmes à burqa sont en nombre toujours plus élevé sur nos territoires, jusque dans nos campagnes. Les burqas investissent nos villes, nos villages, et bientôt nos champs, nos vignobles, nos verts pâturages, nos forêts, nos rivières, nos campings, nos boulodromes, nos bars à putes. Elles fomentent en secret une vaste opération de prise du pouvoir de l’Islam radical sur la fille aînée de l’Eglise catholique : en somme elles préméditent un viol pédophile. Sans compter que selon nos calculs de géométrie dans l’espace, si un slip de John Bigballs peut contenir deux grenades à fragmentation, une burqa peut permettre de dissimuler jusqu’à trois missiles Stinger.

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Une burqa de campagne

Devant l’incroyable menace que fait peser la burqa sur la sécurité publique et plus largement sur nos usages, nos mœurs, nos coutumes, bref sur notre Francitude©, le gouvernement a décidé de mobiliser toutes les forces vives de la Nation et l’ensemble du personnel politique sur ces questions absolument majeures. Cette émulation est née par un heureux hasard de calendrier en pleine période électorale et le bravepatriote avisé appréciera l’évidente corrélation entre le thème de la burqa et celui des institutions régionales. Dans un tel contexte, les élections s’annoncent forcément sereines et intéressantes à mesure que les tabous sont brisés. “Il n’y a pas encore eu de morts mais on garde espoir” a confié une source proche au micro de la rédaction, “nous comptons sur la qualification de l’Algérie en finale de la CAN pour laisser libre cours à l’expression démocratique de la volonté populaire”.

Malheureusement, la majorité présidentielle manque un peu d’imagination pour garnir une éventuelle règlementation sur le sujet : Xavier Bertrand a proposé sans grande conviction de renvoyer les femmes à burqa en Afghanistan pendant qu’un Frédéric Lefebvre visiblement fatigué s’est contenté d’une faiblarde suppression des allocations familiales et des ovaires. On est en droit de craindre que le gouvernement ne se vautre dans le politiquement correct, à plus forte raison qu’il serait question d’un “effort pédagogique” en direction des populations concernées [1].

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Développement durable : la direction de l’équipement va recycler d’anciens panneaux de signalisation.

“Interdire la burqa, point barre !” hurlent les Français pendant que la classe politique se perd en tergiversations. La Nation semble adhérer à l’idée d’une solution radicale, comme souvent dans sa remarquable histoire, s’agissant d’un élément primordial de son identité. Le ministère de l’immigration et de l’identité nationale a pris acte de ce mouvement d’opinion et pourrait prendre les devants en interdisant aux burqas les lieux les plus fréquentés : restaurants, parcs, transports en commun, toilettes publiques… Il s’agit d’éviter que les Français ne soient incommodés par cette vision absolument insupportable d’une femme soumise, ce que dans notre pays nous avons dissimulé depuis belle lurette.

Notes

[1] L’ouverture de l’exposition sur le thème “La burqa et la France” au palais Berlitz est prévue dans les prochains jours.

» Article initialement publié et commenté sur Brave Patrie, le vrai journal des vraies valeurs de la France vraie /-)

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Telling story française http://owni.fr/2009/12/11/telling-story-francaise/ http://owni.fr/2009/12/11/telling-story-francaise/#comments Fri, 11 Dec 2009 16:54:38 +0000 Nugues http://owni.fr/?p=6122 Fresque,Monreale, Sicile

Fresque, Monreale, Sicile

Une nation, un groupe humain, se construit sur des histoires,  voire des légendes que chacune des personnes qui les compose fait sienne. C’est vrai en Europe depuis 3000 ans. Deux sources principales sont à l’origine de notre telling story : les récits bibliques et les écrits grecques. Les déclinaisons de ces récits sont innombrables et ont été, parfois suivant des parcours complexes, revisitées par des auteurs ou des collectifs d’auteurs sur le mode oral ou écrit. Vouloir figer dans des règles, des définitions, une identité par “nature” mouvante, revient à stigmatiser et à exclure ceux et celles qui ne se reconnaissent pas intégralement dans ces règles et ses définitions.  C’est aussi se priver d’apports nouveaux vivifiants. Une nation qui se fige, qui cesse de faire évoluer ses représentations symboliques est une nation qui se meurt. Elle est vouée à une disparition rapide.

La révolution française, puis la troisième république dans des soubresauts très douloureux, ont laïcisé la France.

La conscience collective ayant besoin de points de rencontre communs, c’est la nation, le peuple souverain qui a pris la place laissée vacante par le christianisme. Tout cela relève de mouvements historiques et sociologiques fondamentaux mais fréquents dans la marche permanente du monde.

En France, nous vivons dans une légende nationale, largement initiée par les républicains  post-commune de Paris.

Cette légende sépare en deux les temps historiques, l’Ancien Régime et la République.  L’Ancien Régime était lié à l’église, la République l’est à la laïcité, laquelle est devenue une sorte de religion d’état.

Tout cela n’a guère posé de problèmes depuis 1945. De 1870 à 1945, le permanent affrontement entre républicains et nostalgiques de l’Ancien Régime a structuré le débat politique. Les points de conflits les plus durs ont été :

- L’affaire Dreyfus, véritable et durable clivage de la pensée française.

- La guerre d’Espagne, où l’aide à apporter aux républicains espagnols a été le terrain de manoeuvres et de violences entre fascistes de tous poils et démocrates.

- La seconde guerre mondiale où,  pour un temps tragique et abominable, les nostalgiques de l’Ancien Régime se sont alliés au paganisme barbare des nazis.

Depuis 1945 et la défaite du totalitarisme noir, les nostalgiques ont fait profil bas, mais sans totalement disparaître.

L’attention et les luttes politiques se déplacèrent sur une autre ligne de front, démocrates contre staliniens. Cette bagarre là a duré jusqu’au début des années 1990. Le dernier et épouvantable avatar européen de cette période fut la guerre en Yougoslavie.

Notons que pour la France, la guerre d’Algérie fut un autre moment structurant où bon nombre de fronts se renversèrent, où les alliances les plus improbables virent le jour. Restent de cette guerre des plaies toujours douloureuses au sein de la société française :

- Les algériens eurent à choisir entre deux pays. Pour ceux qui résidaient en France ou qui y sont venus, il y a un vrai dilemme à résoudre, cela ne peut se faire en une ou même deux générations.

- Les pieds-noirs se sont trouvés rapatriés en France brutalement et furent souvent mal accueillis.

- Les harkis continuent d’être les parias de deux nations.

- Les activistes pro-Algérie française ont été rejoints par ce qui restait des nostalgiques de la vieille France et de l’Action Française.

La telling story française peut se présenter en quelques moments devenus des archétypes de la symbolique nationale :

- La Commune de Paris

- L’avènement de la  IIIème République, l’école publique

- L’affaire Dreyfus

- Les lois de séparation de l’église et de l’état

- La guerre de 14-18

- 1936

- L’appel du 18 Juin

- La Résistance

- La guerre d’Indochine

- La guerre d’Algérie

- La Vème République

Cette histoire a ces icônes républicaines :

- Jules Vallès, Courbet, Gambetta.

- Jules Ferry

- Zola

- Clémenceau

- Léon Blum

- De Gaule

- Guy Mocquet, Jean Moulin

- Mendès-France …

Ceci vaut pour la face lumineuse de l’histoire, il y a aussi touts les faces noires, sombres, complexes de ces mêmes moments.

Ces archétypes véhiculés par l’instruction publique et les relais de la médiation entretenaient une doxa républicaine de relative bonne conscience et de confort moral et intellectuel rassurant.

Comme tous les archétypes, ils structuraient la pensée collective française. Avec des nuances et des conflits idélogiques. Mais ceux-ci faisaient partie du paysage et tout allait presque bien.

Et puis patatras…  dans une accélaration dont l’histoire a le goût, tout s’est mis en mouvement :

- 1968, les printemps conjugués en Europe de l’ouest et certains pays de l’est (la Tchécoslovaquie en particulier)

- Dénonciation et révélations des monstruosités du Stalinisme (Soljenitsine)

- Les mises au jour d’une réalité confuse en France entre 40 et 45 (Paxton)

- Arrêt brutal de l’idée de croissance sans limite ni entraves (choc pétrolier de 1974, après la guerre du Kippour)

- Idée et  construction européenne

- Implosion du Pacte de Varsovie et de l’URSS

- Révélation de la Chine et de l’Inde.

Il faut rajouter à tout cela la révolution informatique, en particulier celle d’internet dont les effets ne font que commencer à se faire sentir.

Alors, nous sommes en plein dans une période où les couches les plus récentes des archétypes se dissolvent. Ces symboles républicains sont récents, installés sur les champs de ruines des “identités” régionales et provinciales. Ils sont fragiles et demandent à être transcendés probablement dans la fédération européenne.

Mais attention, les plus anciens, les plus ancrés des archétypes peuvent se réactiver sous l’aiguillon redoutable de la peur réelle et instrumentalisée. Ils peuvent ressurgir comme des démons d’une boite oubliée dans un grenier. Ces archétypes-là sont comme des dinosaures dans le paysage social et culturel contemporain. C’est l’histoire de Jurassic Park, comme dit le chaoticien du film : “Cela ne peut pas marcher, le temps ne s’inverse pas, vouloir se substituer au temps et au ” cours naturel” de la vie conduit inéluctablement à des catastrophes.”

Je reparlerai ici, aussi lomptemps que durera les débats formels sur l’identité, de ces questions, en espérant que cela vous conviendra, cher lecteur, comme on disait dans les chroniques aux alentours de 1925.

Dominique nugues

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Monsieur Besson, mieux vaut en rire….. pour l’instant ! http://owni.fr/2009/12/10/monsieur-besson-mieux-vaut-en-rirepour-linstant/ http://owni.fr/2009/12/10/monsieur-besson-mieux-vaut-en-rirepour-linstant/#comments Thu, 10 Dec 2009 21:53:16 +0000 Nugues http://owni.fr/?p=6096 Etant une personne méticuleuse et soucieuse du détail,  je voudrais que vous Monsieur Besson,  ou d’autres personnes bien informées, répondent à quelques-unes de mes questions afin que je puisse me faire une idée précise à propos de votre curieux débat sur l’identité nationale.

La première question est celle-ci, elle porte sur le “national”  :  pour qu’il y ait du national, il faut qu’il y ait nation (tout le monde est d’accord, au moins là-dessus), alors à quand remonte donc la nation française ?

Cro Magnon,  déjà plus tout jeune...
Cro Magnon, déjà plus tout jeune…

Aux premières colonies de Néanderthal ?

A celles de ces rustres de Cro-magnon ?

Aux Celtes que nous nommons les gaulois, dont le dernier chef, le regretté Vercingétorix, a bien mal fini?

Si vous aviez été ministre de Vercingétorix, vous auriez organisé un débat contre les romains et le latin. Nous parlerions un langage cousin du gaélique, ce qui ne manquerait pas de charme, mais nous aurions perdu une grande partie de notre identité à venir.

A Clovis, le germain ?

A Mérovée, fondateur d’une dynastie trop mal connue, les Mérovingiens ?

A Charlemagne ?

A Hugues Capet, fondateur d’une dynastie célèbre celle-là, les capétiens ?

A Guillaume le Conquérant, fils et petits fils de nordiques mal dégrossis,  mais brave Duc de Normandie trop tôt disparu à la suite d’une chute de cheval ?

A Louis IX dit Saint Louis, mort de la peste au retour d’une des plus grandes entreprises, à la fois barbares et imbéciles, de l’Europe chrétienne : une Croisade ?

A Jeanne d’Arc, sanctifiée à peine que condamnée et brulée vive sur la sentence d’un évêque ?

A Louis le Onzième, fils de Charles VII et créateur des cages de rétention ?

A François Ier ?

Si vous aviez été ministre de ce Roi, vous auriez eu à organiser un débat sur le français qui venait irrespectueusement remplacer ce bon vieux latin comme langue officielle du Royaume de France et par là-même mettre en très grand danger l’identité latino-françoise ?

Vous auriez eu aussi à statuer sur la régularisation de Lombards, Florentins, Vénitiens qui venaient induement nous gâcher le paysage avec des oeuvres barbaresques comme Chambord, ou nous encombrer avec des Joconde et autres graffitis.

Louis XIV et oui, il fut jeune...
Louis XIV eh oui, il fut jeune…

A Louis XIV ?

Vous auriez sûrement aimé être ministre de Louis XIV et lui rappeler perfidement que sa mère était Anne d’Autriche.

A la révolution ? Oui, mais laquelle ? 1789, 1793, le Directoire, le 18 Brumaire perpétré par ce corse Buenaparte dont l’île natale venait d’être achetée par la France ?

Bon, je vais en rester là, pour l’instant. Vous voyez, ça en fait des questions ! ça devrait nous emmener un bon bout d’temps… 10 ou 15 ans ? D’ici là, tout le monde vous aura oublié (à moins que… j’y reviendrai…), vous aura oublié donc, vous et votre fumeux mais peut-être délétère débat.

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Partager un devenir commun : l’ère des réseaux-nations http://owni.fr/2009/11/17/partager-un-devenir-commun-lere-des-reseaux-nations/ http://owni.fr/2009/11/17/partager-un-devenir-commun-lere-des-reseaux-nations/#comments Tue, 17 Nov 2009 10:26:45 +0000 Arnault Coulet http://owni.fr/?p=5520

[Cross-posted sur Netpolitique]

Alors qu’en France le débat sur l’identité nationale fait rage, les créateurs du web d’outre-atlantique considèrent vraisemblablement cette question outrepassée. C’est vrai qu’à l’heure du Réseau, l’idée de Nation a quelque chose de quasi-comique, ou quasi-tragique, pour des services en ligne qui agrègent des communautés se liant selon leurs affinités plutôt que selon les critères constitutifs classiques de la Nation. Mais il n’est pas question pour ces services web de faire Tabula rasa de ces critères, profondément ancrés dans l’univers collectif : certains services, comme Facebook, loin de l’idée primaire de détruire l’idée de Nation, se servent de celle-ci comme d’un terreau pour réinventer le lien social et surtout le sentiment d’appartenance aux réseaux.

Est-ce à dire qu’un Facebook invente l’idée d’une néo-Nation ? Les réseaux sociaux sont-ils des Réseaux-nations (Networks-Nations) ? Si dans 10 ans, le sujet “Facebook est il un réseau-nation ?” siège en invité d’honneur du Grand oral de Sciences-Po, il faudra d’abord, pour l’étudiant discipliné, revisiter les définitions classiques de la Nation. Soyons bon élève et anticipons l’épreuve.

1. La Nation, définition politico-juridique

Dans la version la plus commune du Petit Robert, il est dit qu’une nation est « un groupe humain constituant une communauté politique, établie sur un territoire défini (…) et personnifiée par une autorité souveraine ». Pour résumer, il s’agit donc d’un peuple auquel s’ajoute l’idée de gouvernement. De plus, si “le terme de “Nation” n’est pas défini juridiquement, toutefois l’usage en politique internationale en fait un équivalent d’État-souverain, dont les critères constitutifs sont les suivants :
# une population
# un territoire établi
# un gouvernement qui n’est subordonné à aucun autre
# une reconnaissance internationale

Le plus surprenant, c’est qu’un réseau comme Facebook remplit ces critères :

# Il existe bien une population de facebookers, qui vit sur un territoire, certes numérique, mais bien délimité, et gardé par des postes de douane aux frontières (le login)

# L’autorité souveraine s’y exerce t’elle ? Y a t’il, selon l’expression commune, un bras armé de la nation qui détient le monopole de la force ? Sans conteste la réponse est oui : la législation de chaque réseau social est celle imposée par ses créateurs (terms and conditions) ou construite par sa population par l’expérience utilisateur. Le “ou” n’est pas exclusif, Les décisions des développeurs de facebook régissent nos expériences d’utilisateurs, tant avec le site qu’avec le reste de la population. La soumission à l’autorité s’est faite avec violence, elle a d’abord été le fruit d’une longue lutte entre le gouvernant et les gouvernés dans un rapport monarchique. Prenez, par exemple, la litanie de changements de Terms & Conditions sur Facebook , certains ont provoqué des soulèvements violents parmi sa population. La monarchie absolue des débuts de Facebook a donc été contrainte de se constitutionnaliser, et mettre en oeuvre en avril 2009 une approche plus transparente et démocratique pour imposer ses décisions par le vote : Facebook site Governance “Governing the Facebook service in a more transparent way”. Une autorité souveraine s’exerce donc dans Facebook, que ce soit par la force à ses débuts, ou par le vote depuis avril. De plus, l’adéquation de Facebook avec les subtilités de la définition  française, pour qui la nation est, au sens constitutionnel, la notion juridique désignant au nom de quoi est exercé le pouvoir législatif, peut tout à fait être débattue. Selon la perspective politique à la française, en tant que mise en œuvre à titre juridique par la Constitution actuelle de la République française, la Nation est un ensemble de citoyens détenant la puissance politique (d’où l’Assemblée Nationale, et les députés représentants de la Nation). En l’occurrence, le fait d’impliquer sa population dans un processus démocratique, confère aux répondants de la page Facebook site governance le rôle de représentants de la Nation Facebook.

gandhilego

# Quant au critère de “reconnaissance internationale”, il faut savoir que, dans la vraie vie des relations internationales entre États, il est d’emblée un critère de mauvaise foi : en effet, la République Populaire de Chine a bien pu exister sans reconnaissance internationale de grands États du monde. La reconnaissance internationale repose avant tout sur l’état des rapports de force entre États. A ce jeu, mieux vaut montrer les bras, ce qu’a fait fait sans complexe le patron de Facebook quand il a annoncé en septembre 2009 que la “population” de Facebook (300 millions d’âmes) avoisinait celle des États-Unis (307 millions), l’effronté positionnant ainsi implicitement son réseau dans le concert des nations et dévoilant par là même ses désirs de conquête du monde (Ndlr: 1 mois plus tard, début novembre 2009, Facebook aurait dépassé 325 millions d’internautes, avec une croissance démographique de 5 millions de nouveaux utilisateurs par semaine…)

Ces 4 critères sont incroyablement condensés dans cette vidéo de Facebook Site Governance, dans laquelle Mark Zuckerberg (le Président / PDG /Monarque de Facebook) invite pour la première fois la population Facebook à voter. Le trait le plus caractéristique de cette vidéo est sûrement que vous ne la trouverez nulle part ailleurs sur le web: ni sur Youtube, ni sur un blog, nul part… Mark Zuckerberg s’adresse exclusivement à la population Facebook, sur son territoire, en invitant à un nouveau principe de gouvernance tout en renforçant le sentiment d’appartenance au réseau

2. La Nation, définition en Sciences humaines

Le sentiment d’appartenance est justement au cœur de la définition de la Nation par les sciences humaines. Un des sens admis est le suivant : « une communauté humaine identifiée dans des limites géographiques parfois fluctuantes au cours de l’histoire, mais dont le trait commun supposé est la conscience d’une appartenance à un même groupe »

A partir de cette définition, deux écoles s’affrontent (objective vs. subjective), conçues à partir des expériences nationales françaises et allemandes :

# L’école objective est issue de la philosophie allemande du début du XIXe siècle, défendue par Johann Gottlieb Fichte, selon laquelle les membres d’une Nation ont en commun des caractéristiques telles que la langue, la religion, la culture, l’histoire, voire les origines ethniques, tout cela les différenciant des membres des autres nations. Fichte, dans ses Discours à la nation allemande (1807-1808) , insiste sur l’idée de peuple et l’importance de la langue. Il est vrai, l’étymologie de “Nation” est liée à la notion de naissance (nascere). Certaines données objectives permettent de définir une nation : le territoire, l’ethnie, la langue, la religion, la culture, l’État. Mais l’idée de nation ne leur est pas réductible. Il existe ainsi des nations plurilingues (ex : la Suisse) ou connaissant plusieurs religions (ex : l’Allemagne). Il y a également des nations sans territoire propre ou d’autres encore qui sont partagées entre plusieurs États. Cette conception de la Nation trouve donc ses limites, et pourrait bien être appliquée dans ses exceptions et artefacts à un réseau comme Facebook (une nation multilingue avec plusieurs religions)

La conception moderne de la nation dépasse largement le cadre objectif. Elle trouve plutôt sa source dans un ensemble complexe de liens, subjectifs, qui fondent le sentiment d’une appartenance commune. Et c’est aussi dans cette source que s’abreuve les réseaux-nations : en exacerbant le désir et en sollicitant le sentiment d’appartenance à leur réseau

# L’école subjective est issue de la philosophie française du XVIIIe siècle et liée à la Révolution française, conceptualisée par Ernest Renan. Elle insiste sur la volonté de « vivre ensemble », la nation étant alors le résultat d’un acte d’autodéfinition. Ernest Renan, dans sa conférence de 1882 intitulée “Qu’est-ce qu’une nation ?”, pose comme critères de l’appartenance nationale “le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivisiblement”. Selon lui, “l’existence d’une nation est un plébiscite de tous les jours.” C’est dans cette direction subjective que Facebook semble vouloir diriger ses internautes. Le “désir de Vivre ensemble” est un sentiment d’appartenance immensément plus fort que ce qu’éprouvent habituellement les membres d’une communauté, terme usuel pour désigner les membres d’un réseau. Une communauté n’est qu’un “ensemble de personnes, d’individus, ayant un, ou des intérêts communs”, définition bien pâle en comparaison de la définition subjective de la Nation. Il faut, pour les réseaux sociaux, trouver un ciment plus liant entre ses membres, ce que les anciens critères constitutifs de la Nation offrent encore.

Alors comment Facebook parvient-il à exacerber le sentiment d’appartenance de sa communauté pour parvenir à la maturité d’un Réseau-Nation ?

Au mois d’octobre, peu après avoir annoncé être devenu le 5ème pays du monde en terme de population, Facebook a facilité le lancement et la communication de deux initiatives qui sondent puis traduisent l’opinion des Facebookers :

# La première, Le Bonheur National Brut (BNB), analyse les dizaines de millions de statuts mis à jour quotidiennement pour en tirer de substantielles conclusions sur le “bonheur” global de la nation : “Chaque jour, des millions de personnes partagent ce qu’elles ressentent avec les gens qui comptent le plus dans leur vies via les modifications de leur statut Facebook. Ces mises à jour sont de petites ouvertures sur l’humeur des personnes. Elles sont brèves, directes et décrivent ce qui se passe dans leur semaine, aujourd’hui ou à l’instant même. Toutes rassemblées, ces mises à jour sont révélatrices de notre humeur collective” Si l’application se limite pour l’instant aux USA pour des raisons de langue, la vision est belle et bien de révéler “l’humeur collective” du réseau tout entier rassemblé en nation globale. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer la consonance du BNB avec un baromètre national médiatique tel que le Produit National Brut (PNB). Ou encore la référence inconsciente du BNB à l’indice de confiance des ménages, dont chacun ignore la signification exacte tout en le consacrant comme révélateur quasi-scientifique de notre forme économique nationale, et donc de notre devenir commun

# La deuxième est en fait un nouveau portail (peace.Facebook.com) destiné à promouvoir la paix dans le monde. L’ambition semble démesurée : “Facebook est heureux de pouvoir aider au rapprochement entre les peuples grâce à sa technologie. C’est en aidant à communiquer et à échanger des idées que nous pourrons réduire les conflits à court et à long terme” Cette initiative repose sur un mouvement plus large à l’initiative de Stanford : Peace Dot. Le point saillant ici, c’est que Facebook tente, en se positionnant au dessus de la mêlée, de démontrer que son réseau permet de dépasser les traditionnels clivages qui opposent les nations traditionnelles, mais il le fait en usant des critères traditionnels objectifs de la Nation, en comptabilisant par exemple le nombre de liens d’amitié se créant dans le réseau entre historiques nations sœurs ennemies : Grecs et Turcs; Palestiniens et israéliens; albanais et serbes; etc..

L’objectif vraisemblable de ces deux initiatives est de franchir une étape décisive pour offrir un nouveau socle au lien social qui unit tous les membres du réseau: la mue d’une communauté partageant des intérêts communs à l’idée d’une nation partageant un devenir commun (le fameux “Vivre ensemble” de la définition subjective d’une nation)

L’exacerbation du sentiment d’appartenance à un réseau parait telle à certains, que des annonceurs y verraient même une opportunité de communication en jouant sur la fibre (osons) “réseaux-nationalistes” des membres. Par exemple dans cette vidéo promue par une marque, dont la description laisse songeur : “Facebook n’aime pas Twitter, qui lui ne supporte pas MySpace… Le conflit entre les plates-formes sociales n’est un secret pour personne et certaines marques l’ont bien compris… Pour la sortie de son dernier téléphone portable, le Samsung Corby S3650, la marque coréenne a recruté dans ses rangs des bloggeurs brésiliens prestigieux de 4 réseaux sociaux (Facebook, Orkut, Twitter et MySpace). Chaque représentant devait lever une mini armée pour affronter celle de son concurrent. Le but avoué était de bien entendu mettre en avant l’aisance du nouveau téléphone en matière de connectivité et de gestion des réseaux sociaux”

L’ère des réseaux-nations ou la future guerre des réseaux…?

Cliquer ici pour voir la vidéo.

» Article initialement publié sur Netpolitique

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