OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Bayrou désindustrialise à tout-va http://owni.fr/2012/04/13/bayrou-desindustrialise-a-tout-va/ http://owni.fr/2012/04/13/bayrou-desindustrialise-a-tout-va/#comments Fri, 13 Apr 2012 16:33:52 +0000 Pierre Leibovici http://owni.fr/?p=105917 OWNI se mobilisent. Et vous livrent un résumé du grand oral des six principaux prétendants, à retrouver sur Le Véritomètre. Morceaux choisis du passage de François Bayrou.]]>

Il en a fait le mot d’ordre de sa campagne, comme de son dernier grand rendez-vous télévisé. Dans l’émission Des paroles et des actes diffusée hier soir sur France 2, François Bayrou a une nouvelle fois brandi le slogan “produire en France”, à grand renfort d’arguments chiffrés. Et tous inexacts.

Rien de tel qu’une comparaison internationale pour convaincre du déclin de l’appareil industriel français. Habitué à l’Allemagne et à la Corée du Sud, le candidat du Mouvement Démocrate (MoDem) a cette fois-ci pris exemple sur l’Italie :

Nous avons 100 000 emplois à peine dans le textile. L’Italie en a 500 000.

En fait, le rapport entre le nombre d’emplois dans le textile en France et en Italie est de un à deux, plutôt que de un à cinq.

En 2009, comme le rapporte l’Observatoire des métiers de la mode, des textiles et des cuirs, 75 523 personnes étaient employées dans l’industrie textile française. Un chiffre à comparer aux 157 000 emplois en 2009 dans le même secteur en Italie, selon les données de l’Institut français de la mode.

S’il avait évoqué une tendance longue de désindustrialisation en France, François Bayrou aurait néanmoins été dans le juste. Car entre 2001 et 2010, le nombre d’emplois dans la branche textile a diminué de 46,1 % en France :

Nombre de salariés dans l'industrie textile en France

Perdu en forêt

Le textile n’est pas le seul secteur où la compétitivité de la France fait défaut, d’après le candidat MoDem. Exemple, assez original pour cette campagne présidentielle, sur la filière du bois :

Dans la filière bois, nous avons une forêt beaucoup plus grande que la forêt allemande, et beaucoup moins d’emplois que les Allemands : y’a 500 000 emplois qui manquent.

En parlant d’une “forêt beaucoup plus grande”, François Bayrou limite les dégâts et tient, de fait, des propos corrects. Car, dans un discours à Besançon, le 27 mars dernier, il annonçait une différence de superficie des forêts française et allemande de l’ordre de “20 %”, sous-estimant donc de 34,6 % l’étendue de la première.

Il en va différemment du nombre d’emplois dans la “filière bois”, c’est-à-dire dans les secteurs de la sylviculture et de la transformation du bois, dont la différence en Allemagne et en France s’affiche bien au-delà de 500 000.

Selon les données du ministère fédéral allemand de l’alimentation, de l’agriculture et de la protection des consommateurs, 1,2 million de personnes étaient employées dans cette filière en 2010.

Pour la France, les données officielles sont largement contradictoires, mais elles invalident dans tous les cas les propos de François Bayrou. Ainsi, selon la dernière étude intitulée “Le bois en chiffres” et publiée en 2008 par le ministère de l’Économie, les effectifs employés de la filière étaient 184 395 en 2007. Si l’on se base donc sur ces chiffres, la différence entre les effectifs employés dans la filière du bois en Allemagne et en France s’élève plutôt à 1,015 million qu’à “500 000”.

Autre donnée, issue cette fois du Comité national pour le développement du bois, un organisme soutenu par le ministère de l’Agriculture : 173 000 emplois existeraient dans la filière bois en France. Sans que l’on sache de quelle année date ce chiffrage.

Même imprécision, enfin, dans le rapport sur la mise en valeur de la forêt française et le développement de la filière bois publié en avril 2009, qui évaluait à 450 000 le nombre d’emplois dans la filière bois, sans préciser une seule méthode de comptage ni une seule source à l’origine de ces données.

Les approximations de François Bayrou auront au moins eu le mérite de mettre en lumière l’usine à gaz que constituent les données publiques sur la filière française du bois.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
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Faut-il vraiment réindustrialiser la France ? http://owni.fr/2011/02/27/economie-reindustrialisation-service/ http://owni.fr/2011/02/27/economie-reindustrialisation-service/#comments Sun, 27 Feb 2011 09:30:30 +0000 Henri Verdier http://owni.fr/?p=48290 C’est peu de dire que le discours sur la désindustrialisation de la France est aujourd’hui dominant. Et cette fausse évidence appelle donc en riposte un discours symétrique sur la nécessaire réindustrialisation.

Quel rapport avec ce blog plutôt consacré à la transformation numérique ? A l’innovation, aux changements de société, à la nouvelle économie, au web et à ses évolutions ultra-rapides ?

Eh bien, je crois que le rapport est très étroit.

La compétition numérique en cours est constituée d’une série de batailles, parfois très rapides. Bataille des télécommunications, bataille des contenus, bataille des données, bataille des services, etc. Ces compétitions sont des compétitions globales, de politiques industrielles, dont les nouveaux géants ne sont qu’une partie émergée. L’excellence française dans ces compétitions est donc étroitement corrélée à la vision nationale de ce qu’est la puissance économique. Si l’on se tourne excessivement vers les recettes passées, si on construit une politique industrielle et économique sur des schémas datés, si l’on sépare, voire si l’on oppose, artificiellement, les différentes manières de créer de la valeur, il est peu probable que nous saurons revenir en tête du peloton des pays les plus innovants et les plus compétitifs.

Pour les entreprises réellement innovantes, souvent fondées sur les technologies numériques, qui recherchent la “scalabilité”, l’hypercroissance, de nouveaux usages, de nouvelles valeurs d’usage, une organisation dynamique de l’innovation, fondée en particulier sur l’agnosticisme technologique, ce débat est donc un véritable chausse-trape.

Bref, si l’on s’obstine à penser le numérique comme une filière industrielle, on renoncera aussi bien à Avatar qu’à Google, Foursquare ou Quora et on se mettra tout seuls sur la touche pendant que d’autres feront la révolution de civilisation qu’est la Révolution numérique.

Nous ne voulons pas choisir entre un cartel d’industries matures et une alliance avec les emplois à domicile. Nous avons besoin d’une nouvelle alliance, dans l’esprit de ce que j’évoquais dans mon billet sur la filière de l’innovation, et dans l’esprit du projet de l’Institut de recherche technologique que nous avons connu.

C’est pourquoi, au milieu de ce climat un peu néo-luddiste, j’ai été très agréablement surpris de recevoir au bureau un exemplaire de La Gazette de la société et des techniques, c’est-à-dire des Annales de l’École des Mines, intitulé “Industries et services, une notion dépassée ?”

Ce document, publié en novembre dernier, synthétise lui-même le mémoire de fin d’études de deux ingénieurs des Mines, Eric Hubert et François Hennion, paru au cours de l’été sous le titre initial : “Mesurer les services : qu’est-ce que la puissance économique ?” [pdf]

La lecture de ce mémoire est extrêmement stimulante.

Vers une convergence de l’économie des services et de l’industrie ?

On y apprend d’abord que la catégorie un peu fourre-tout de “services”, qui regroupe par exemple recherche, télécoms, gardiennage, nettoyage, location, juridique, comptabilité, architecture, immobilier, finance, livres, cinéma, e-Education nationale, médecine, hôpitaux… représente aujourd’hui près de 80 % du PIB -mais surtout porte la croissance du PIB-, de la consommation des ménages et plus encore de l’emploi.

On y apprend aussi que le prétendu déclin de l’industrie est en grande part une illusion d’optique. Il se fonde tout d’abord le plus souvent sur la part de l’industrie dans le PIB, et celle-ci régresse en majorité du fait de la progression des industries de services, comme l’agriculture avant elle. Labourage, pâturage et industries ne sont plus les seules mamelles de la France, c’est ainsi. Il se fonde également sur une mauvaise analyse des gains de productivité de l’industrie, qui explique sa faible contribution à la création nette d’emplois. Mais surtout, il se fonde sur une mauvaise analyse des évolutions en cours dans le tissu industriel. Car l’organisation méthodique de la sous-traitance, qui prend le plus souvent la forme de services aux entreprises, fait apparaître comme emplois de services des emplois qui étaient jusque là comptabilisés dans l’industrie. Ainsi, disent les auteurs, si le secteur industriel ne pèse plus que 20 % des emplois en France, la production de produits industriels est responsable de plus de 50 % des emplois.

Mais surtout, les deux jeunes auteurs condamnent avec aplomb une distinction qu’ils jugent désormais obsolète. Que valent les services qui ne s’appuient pas sur des biens matériels ? Fort peu. Que valent les produits qui ne sont pas appuyés sur une chaîne logistique, une commercialisation efficace, un service après-vente ? Presque rien. La valeur d’usage est toujours un service rendu à l’utilisateur, qui conjugue intimement biens et service.

Une fois reconnue cette indissociabilité des biens et des services, nos auteurs proposent de se concentrer sur la compétitivité, et suggèrent toute une série de mesures administratives : utiliser la fiscalité – y compris la subvention – pour pousser les entreprises à produire les données dont on a besoin pour mesurer la nouvelle économie, repenser la typologie des organisations en fonction de leur dynamique de gains de productivité, travailler à la création de marchés nouveaux grâce à la standardisation, faire évoluer les aides à l’innovation pour ne plus les limiter exclusivement à la recherche…

Ces conclusions restent sans doute encore un peu “administratives”, mais il est quand même rassurant de voir nos futurs hauts fonctionnaires sortir de distinctions qui pénalisent notre économie. Car sans cela, nous allons rater toutes les grandes révolutions qui pointent à l’horizon : villes intelligentes, robotique de service, greentech, etc., qui seraient bien en peine de dire si elles penchent plutôt du côté de l’industrie ou des services…


Article initialement publié sur le blog de Henri Verdier.

Illustrations CC FlickR: RevolWeb ; Peter Durand

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http://owni.fr/2011/02/27/economie-reindustrialisation-service/feed/ 15
Réforme du bac STI : de la fin des ateliers pratiques à la disparition des ouvriers http://owni.fr/2011/01/18/reforme-du-bac-sti-de-la-fin-des-ateliers-pratiques-a-la-disparition-des-ouvriers/ http://owni.fr/2011/01/18/reforme-du-bac-sti-de-la-fin-des-ateliers-pratiques-a-la-disparition-des-ouvriers/#comments Tue, 18 Jan 2011 11:04:11 +0000 Mathieu L (Les privilégiés parlent aux Français et au Monde) http://owni.fr/?p=37671 En France, on se passionne toujours, lorsqu’on parle d’éducation, sur des sujets touchants les matières générales. Par exemple, la disparition de l’histoire-géographie en terminale scientifique a fait couler beaucoup d’encre durant les mois précédents. On s’intéresse beaucoup moins à toute une série de matières et de disciplines qui concernent plutôt les domaines techniques et industriels. Aujourd’hui, il existe plusieurs bacs techniques et professionnels qui forment à ces voies.

Dans les lycées généraux et techniques, on trouve principalement les bacs Science et technologies industrielles (STI) et Sciences et technologies de laboratoire (STL). Ces bacs aboutissent à des formations courtes dans le supérieur et donnent en général de bons débouchés aux élèves qui les choisissent. Ils ont largement participé à la démocratisation du baccalauréat engagée dans les années 1980.

Pour les inspecteurs d’académie, la France est un pays de concepteurs, pas d’ouvriers

Le bac STI nécessitait une réforme car ses programmes dataient de 1993. Les syndicats enseignants la réclamaient largement et un premier projet était en préparation sous les gouvernements Raffarin puis De Villepin, avec de fortes discussions entre entreprises, gouvernement et syndicats enseignants. Il avait presque abouti mais Xavier Darcos le suspendit brutalement en 2007.

A l’époque, nous avions pensé que le ministère allait tout simplement le supprimer, laissant ces formations à l’enseignement professionnel. Or, dans le cadre de la réforme du lycée, le gouvernement y est revenu, annonçant au début de 2010 la naissance du bac Sciences et technologies Développement Durable (STI2D)… Bon, voici encore le développement durable qui réapparaît et qui encadre le futur de nos ouvriers spécialisés. Actuellement, ce terme figure dans tous les programmes de l’école, à tous les niveaux.

A ceux qui croient que l’éducation n’a plus d’objectifs politiques…

Au-delà de ce terme, il est intéressant de regarder ce que contient ce nouveau diplôme qui remplacera la STI le 1er septembre prochain.

Tout d’abord, les enseignements généraux sont nettement augmentés (avec l’arrivée de la 2e langue). Surtout, on change totalement l’approche de la partie technique en abandonnant le travail sur machines et en s’appuyant uniquement sur des notions théoriques et de conception.

En clair, on met en place un bac qui n’est plus du tout une voie permettant de former des ouvriers très qualifiés mais visant plus précisément à former des concepteurs et des ingénieurs. La formation des ouvriers retombe donc sur le lycée professionnel. On peut voir clairement l’objectif budgétaire qu’il y a derrière ça : en se passant des ateliers, on fait d’importantes économies, et les régions qui ont construit ces dix dernières années de magnifiques lycées autour de machines flambant neuves vont en être pour leurs frais.

Il y a aussi là-dedans de grosses économies de postes et les premières vraies attaques contre les statuts des enseignants, mais je voudrais plutôt souligner autre chose et m’intéresser aux discours des inspecteurs de ces disciplines. Lorsque ceux-ci présentent le nouveau bac aux enseignants, ils n’y vont pas par quatre chemins et sont très directs : la France ne doit plus former d’ouvriers, même très qualifiés, mais des concepteurs. Nous sommes dans une situation où il est évident que les tâches de fabrication ne se feront plus ici et il devient inutile d’envoyer des jeunes dans le mur en les formant à des métiers qui n’existeront plus dans notre beau pays.

Sans ouvrier pourquoi relocaliser les usines?

Cette réforme permet de comprendre trois choses à propos des politiques menées actuellement par notre gouvernement :

Tout d’abord, on peut vraiment remettre en cause ce calcul. En effet, les nouveaux pays industrialisées se sont depuis longtemps attaqués à la conception mais ne maîtrisent pas toutes nos techniques industrielles. Se priver de bons ouvriers en s’appuyant sur une organisation du travail déjà dépassée est très risqué. Très vite, nous n’allons plus du tout être les commandants de la production des usines du Sud, mais les concurrents de ces mêmes pays sur des productions industrielles équivalentes aux nôtres. Nous pourrions encore conserver un peu d’avance, mais si nous formons des cerveaux, nous n’aurons plus de bras.

Ensuite, cette réforme sépare les parcours possibles pour les jeunes entre le général et le professionnel. Que vont devenir tous ces gamins qui partent aujourd’hui dans le technique s’ils n’ont plus le choix qu’entre du général pur ou du technique très élevé mais forcément difficile, et du professionnel très mal vu dans notre pays ?

Enfin, on peut clairement remettre en question les beaux discours de notre président sur la soi-disant réindustrialisation nécessaire de la France. On peut toujours ramener des usines ici, mais si on a plus d’ouvriers très qualifiés à y mettre, quel intérêt ?
En clair, l’Etat a fait un choix fort : la France poursuivra définitivement sa désindustrialisation. On ne peut que s’en étonner et même s’en inquiéter. Je me demande bien ce qu’en pensent les patrons des entreprises industrielles qui sont encore en France et qui ont choisi d’y rester. Sont-ils informés que les filières qui leur fournissent leurs salariés vont profondément changer ? Cher camarade employeur, il est à craindre que tu sois obligé de délocaliser, même si tu ne le voulais pas.

Étonnante époque…

Article publié initialement sur Les privilégiés parlent aux Français et au Monde sous le titre Par la réforme du bac STI, la France entérine la disparition de son industrie.

Illustrations CC Flickr par Stéfan et CAPL

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